PAYS BAMILEKE
Christianiser
les funérailles
Deux prêtres de l’archidiocèse de Yaoundé,
originaires de l’ouest du Cameroun viennent de réfléchir sur la question dans
un ouvrage de 108 pages paru aux éditions des Presses de l’UCAC.
Les
funérailles en pays bamiléké sont une tradition qui offre une concurrence aux
pratiques catholiques et qui, malgré les effets de la modernité, se développent
toujours avec toujours plus d’ampleur. Devant un tel phénomène, est-il sûr que
tout le monde s’accorde sur les significations à lui donner ? Pourquoi
célèbre-t-on les funérailles et pourquoi mobilisent-elles tant
d’énergies ? Y’a-t-il lieu de concilier la vision bamiléké des funérailles
avec le christianisme dans une perspective d’inculturation ? Telles sont
les questions auxquelles les Abbés Marcus Ndongmo et Michel Kouam enseignants à
l’université catholique d’Afrique centrale tentent de répondre dans l’opuscule
intitulé : Les funérailles en pays bamiléké. Quelles significations
aujourd’hui ?
Démystifier
les funérailles
Pour les
auteurs, les funérailles marquent l’entrée du défunt dans la grande famille des
ancêtres. C’est pour cette raison qu’elles offrent généralement l’occasion de
grandes réjouissances suivant l’idée que " faire le maximum en boisson
et en nourriture au deuil d’un parent cher est considéré en pays bamiléké comme
un principe d’honneur et de reconnaissance vis-à-vis de celui-ci "
L’ouvrage
est divisé en quatre chapitres dont le premier permet de faire connaissance
avec les termes de référence. Le lexique funéraire introduit en effet le
lecteur dans le vif du sujet en retraçant l’itinéraire funèbre jusqu’à la
signification profonde des funérailles avec le pré supposé qu’en Afrique
" les morts ne sont pas morts " même si " il n’y
a jamais de mort naturelle "
Chez les
bamiléké, on célèbre les funérailles pour tout le monde, même pour des prêtres
contrairement à une idée répandue chez le Bétis soutenant la thèse contraire.
Sont exemptés de funérailles, les enfants et certains types de morts, étant
donné qu’il y’a " des mauvaises morts et des bonnes
morts ". C’est ici qu’apparaît la première contradiction entre la
culture bamiléké et le christianisme, car selon le postulat sus évoqué, le
Christ serait " mal mort " parce que cloué sur une croix et
brutalisé par ses bourreaux comme si le décujus a souvent le choix de son
calvaire. Plus loin, il est dit que la prière du bamiléké est directement
adressée aux ancêtres qui intercèdent auprès de Dieu. Cette conception qui
n’est pas sans rappeler les cultes païens, manque de rationalité dans une
perspective d’inculturation.
C’est
surtout sur le plan économique que l’ouvrage présente un intérêt certain quant
on sait l’importance que revêt l’argent chez le bamiléké dont l’esprit
capitaliste n’a souvent d’égal que l’âpreté au gain. Les funérailles bamiléké
ont parfois une allure de carnaval, de foire, de fête mondaine et de
réjouissances populaires au point que parfois après, certains gardent encore
les restes des provisions en nourritures et en boissons pouvant constituer un
capital pour l’ouverture d’un commerce.
Finalement,
les auteurs résument les funérailles par une trilogie fort burlesque :
elles sont un lieu de fête, une source d’appauvrissement pour les uns et
d’enrichissement pour d’autres tout en étant un défi pour l’inculturation.
Reste à souhaiter que cette publication ne soit que la première sur un sujet
dont l’intérêt certain demande encore sans doute d’autres réflexions.
Mathieu Meyeme
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