mardi 8 janvier 2013

Témoignage du tout premier Ministre des Affaires Sociales du Cameroun



TEMOIGNAGE

MADAME DELPHINE TSANGA,
Premier Ministre des Affaires Sociales (1975-1984)
« A l’époque le budget du Ministère des Affaires Sociales était de 437 millions de francs Cfa »
Le service s’appelait, le service des Affaires Sociales et de la Population et était intégré au Ministère de la Santé Publique. Sur le plan de la collaboration extérieure, j’ai surtout collaboré avec une association qui avait son siège en Suisse et dont le Secrétaire Général était Monsieur Pierre ZUMBACH. Nous avons initié un certain nombre de projets tels le premier pont sur la Sanaga, le pont de l’Enfance sur lequel nous devrions créer un poste de péage dont les fonds devaient servir à prendre en charge les enfants. A l’époque, nous étions membres de l’Union Internationale de la Protection de l’Enfant (UITE) et c’est dans ce cadre que nous avons organisé en 1980 une réunion internationale arabo-africaine sur la protection de l’enfant. Avec M. Zumbach nous avions aussi lancé le projet de développement du Mbam, mais compte tenu des difficultés gouvernementales, nous n’avons pas pu commence ce projet qui avait alors été réalisé par notre partenaire de l’époque, Mgr Jean ZOA et Mgr Lambert VAN HEYGEN.
La première fois qu’on a mentionné les personnes handicapées pour moi était un motif de fierté, parce que chaque fois que j’évoquais les problèmes de cette catégorie sociale, l’Etat me répondait que l’on n’avait déjà beaucoup de problèmes avec les personnes valides pour y ajouter ceux des personnes handicapées. A cette époque, les handicapés n’avaient pas le droit de travailler à la Fonction Publique, de faire de grandes études ni d’enseigner, à tel point que chaque fois qu’un handicapé avait un problème il fallait le résoudre personnellement. Il était clairement mentionné dans les textes qu’avant de se présenter à un concours administratif, vous devriez passer des tests médicaux pour déterminer si vous ne souffriez pas d’un handicap de quelque nature que ce soit. C’est à partir de ce moment que j’ai instruit mes collaborateurs de commencer à mener une réflexion sur la protection des droits des personnes handicapées qui a débouché par la promulgation en 1983 de la loi sur la protection et la promotion des droits des personnes handicapées. Tout ceci avait eu comme catalyseur la construction par le Cardinal LEGER du Centre National de Réhabilitation des Personnes Handicapées d’Etoug Ebé. Ensuite, j’ai créé, avec l’aide de la Suisse, un centre de formation pour les personnels sociaux, l’ENEAS (Ecole Nationale des Educateurs et Assistants Sociaux). Vous savez les cadres qui existaient à cette époque avaient été formés sur le tas et il n’y avait pas 10 cadres formés en France. J’avais beaucoup de difficultés pour recruter des universitaires parce que c’était un ministère qui n’attirait pas beaucoup les intellectuels. Je me souviens que lorsqu’un fonctionnaire était affecté au Ministère des Affaires Sociales, il le prenait comme une punition. Le MINAS était le plus petit ministère, avec le plus petit budget. Les premiers que j’ai pu avoir c’est Monsieur ENYEGUE et Madame MVONDO. Avec la création de l’école, il y a eu un cadre des fonctionnaires des Affaires Sociales et ce n’est qu’à partir de ce moment que beaucoup se sont dits qu’il y avait un avenir dans ce ministère, il faut dire qu’avant aucun avenir n’était possible au MINAS.
 Je dois vous dire qu’en ce qui concerne les aides et appuis, je mettais très souvent la main dans ma poche car il m’était presqu’impossible de rester impassible devant toutes ces personnes vulnérables que je trouvais parfois devant ma résidence.
A l’époque le budget du Ministère des Affaires Sociales était de 437 millions de francs Cfa. Jusqu’à mon départ en 1984, je n’ai pas atteint un milliard. Les fonds générés par les activités Génératrices de Revenus (AGR) que le Ministère avait mis en place étaient systématiquement reversés au trésor public. Je devais également gérer les problèmes des femmes. Ce sont elles qui ont créé ce qu’on appelait l’animation rurale.
Le monde évolue. A l’époque, c’est moi qui allais vers les clients du service social. Aujourd’hui, ce sont les populations qui réclament des prestations sociales. 

Entretien avec Mathieu Meyeme

1 commentaire:

Unknown a dit…

Les propos ont été recueillis à son domicile