dimanche 13 janvier 2013

Les funérailles Bamiléké à l'épreuve du christianisme



PAYS BAMILEKE
Christianiser les funérailles
 Deux prêtres de l’archidiocèse de Yaoundé, originaires de l’ouest du Cameroun viennent de réfléchir sur la question dans un ouvrage de 108 pages paru aux éditions des Presses de l’UCAC.
Les funérailles en pays bamiléké sont une tradition qui offre une concurrence aux pratiques catholiques et qui, malgré les effets de la modernité, se développent toujours avec toujours plus d’ampleur. Devant un tel phénomène, est-il sûr que tout le monde s’accorde sur les significations à lui donner ? Pourquoi célèbre-t-on les funérailles et pourquoi mobilisent-elles tant d’énergies ? Y’a-t-il lieu de concilier la vision bamiléké des funérailles avec le christianisme dans une perspective d’inculturation ? Telles sont les questions auxquelles les Abbés Marcus Ndongmo et Michel Kouam enseignants à l’université catholique d’Afrique centrale tentent de répondre dans l’opuscule intitulé : Les funérailles en pays bamiléké. Quelles significations aujourd’hui ?
Démystifier les funérailles
Pour les auteurs, les funérailles marquent l’entrée du défunt dans la grande famille des ancêtres. C’est pour cette raison qu’elles offrent généralement l’occasion de grandes réjouissances suivant l’idée que " faire le maximum en boisson et en nourriture au deuil d’un parent cher est considéré en pays bamiléké comme un principe d’honneur et de reconnaissance vis-à-vis de celui-ci "
L’ouvrage est divisé en quatre chapitres dont le premier permet de faire connaissance avec les termes de référence. Le lexique funéraire introduit en effet le lecteur dans le vif du sujet en retraçant l’itinéraire funèbre jusqu’à la signification profonde des funérailles avec le pré supposé qu’en Afrique " les morts ne sont pas morts " même si " il n’y a jamais de mort naturelle "
Chez les bamiléké, on célèbre les funérailles pour tout le monde, même pour des prêtres contrairement à une idée répandue chez le Bétis soutenant la thèse contraire. Sont exemptés de funérailles, les enfants et certains types de morts, étant donné qu’il y’a " des mauvaises morts et des bonnes morts ". C’est ici qu’apparaît la première contradiction entre la culture bamiléké et le christianisme, car selon le postulat sus évoqué, le Christ serait " mal mort " parce que cloué sur une croix et brutalisé par ses bourreaux comme si le décujus a souvent le choix de son calvaire. Plus loin, il est dit que la prière du bamiléké est directement adressée aux ancêtres qui intercèdent auprès de Dieu. Cette conception qui n’est pas sans rappeler les cultes païens, manque de rationalité dans une perspective d’inculturation.
C’est surtout sur le plan économique que l’ouvrage présente un intérêt certain quant on sait l’importance que revêt l’argent chez le bamiléké dont l’esprit capitaliste n’a souvent d’égal que l’âpreté au gain. Les funérailles bamiléké ont parfois une allure de carnaval, de foire, de fête mondaine et de réjouissances populaires au point que parfois après, certains gardent encore les restes des provisions en nourritures et en boissons pouvant constituer un capital pour l’ouverture d’un commerce.
Finalement, les auteurs résument les funérailles par une trilogie fort burlesque : elles sont un lieu de fête, une source d’appauvrissement pour les uns et d’enrichissement pour d’autres tout en étant un défi pour l’inculturation. Reste à souhaiter que cette publication ne soit que la première sur un sujet dont l’intérêt certain demande encore sans doute d’autres réflexions.

Mathieu Meyeme

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