mercredi 16 janvier 2013

Mgr Samuel Kléda était encore évêque de Batouri



MGR SAMUEL KLEDA
«Dans le diocèse de Batouri, tous les prêtres vivent en communauté»
L’évêque de Batouri présente les faiblesses, mais surtout les forces de son diocèse 10 ans après sa création. Dans cet entretien qu’il m'a accordé dans sa résidence, il revient sur son don spécial d’herboriste.

Comment va le diocèse de Batouri en ce moment ?
Je peux affirmer que le diocèse de Batouri se porte bien en ce moment. Nous venons de lancer un synode sur le mariage et la famille, c’est ce qui nous préoccupe actuellement. Par ce synode, nous voulons aider les familles à être chrétiennes et heureuses.
Depuis quelques temps aussi, nous insistons sur la catéchèse, parce que nous voulons amener nos fidèles du diocèse à connaître vraiment Jésus-Christ, à lire et à prier la Parole de Dieu. Nous avons ici tout un service qui s’occupe uniquement de la catéchèse et qui organise régulièrement des sessions de formation pour les catéchistes.
Nous sommes également en train de chercher à mettre nos structures sur pied. Vous savez, Batouri est un jeune diocèse qui n’a que 10 ans, nous devons donc construire des bâtiments et créer des structures qui répondent à nos besoins dans le but d’annoncer Jésus-Christ en vue d’une évangélisation en profondeur.
Quels sont les autres axes prioritaires de votre pastorale ici à Batouri ?
Il y a un point qu’il faudrait souligner, c’est celui de la santé. J’observe qu’il y a des coins où il n’y a absolument rien comme infrastructures sanitaires. Quelquefois, les gens n’ont pas assez de moyens pour se prendre en charge au niveau des soins sanitaires.
De ce côté-là, non seulement nous cherchons à offrir des soins de santé, mais en même temps à les former à prendre conscience qu’ils ont le devoir de s’occuper de leur santé. D’un autre côté il y a l’éducation. Il faut dire que dans notre province, quelquefois ce ne sont pas les structures qui manquent, mais plutôt les enseignants dans les établissements.
Ce n’est pas acceptable que l’on ne retrouve que un ou deux maîtres dans toute une école. Dans notre diocèse, nous essayons autant que possible de bien former nos élèves en leur prodiguant une formation intégrale, au-delà de l’instruction.
Quelques statistiques montrent qu’il existe une importante proportion de musulmans dans votre diocèse. Quels rapports entretenez-vous avec cette communauté ?
C’est sûr, il y a des communautés musulmanes dans le diocèse. On rencontre aussi beaucoup d’éleveurs Bororo qui sont des musulmans, mais il n’y en a pas trop comme vous le pensez. En ce qui concerne les rapports, ils sont essentiellement bons.
Il n’existe pas de problèmes entre chrétiens et musulmans chez nous. Nous avons même des écoles pour les Bororo dirigées par nos services du SEDUC. De temps en temps, on voit des chrétiens qui se convertissent à l’Islam, mais de nombreux musulmans décident aussi librement de suivre Jésus-Christ.
La menace intégriste est-elle une réalité ici à Batouri ?
Je ne parlerai pas d’une menace. A mon avis pour résoudre ce genre de problème, les armes qu’il faut prendre, c’est la formation des communautés chrétiennes attachées à Jésus-Christ, prêtes à donner leur vie pour Lui.
En Afrique du Nord, les communautés chrétiennes qui ont résisté à l’Islam ce sont celles qui avaient une foi vécue en Jésus-Christ. Si j’ai des communautés bien formées, je n’ai pas peur.
Vous êtes réputé pour la pastorale de la santé par les plantes que vous menez avec succès dans votre diocèse et au-delà. D’où vous vient cette vocation spéciale ?
Je ne sais pas s’il faut parler d’une vocation. C’est au cours de ma vie de prêtre que j’ai été amené à m’intéresser aux plantes, d’ailleurs dans le fascicule que j’ai publié récemment, je raconte que lorsque j’étais Directeur au Petit Séminaire de Guider dans l’Archidiocèse de Garoua, il fallait offrir des soins sanitaires aux enfants, pourtant on n’avait pas suffisamment de moyens pour les amener à l’hôpital.
On s’est donc dit qu’on pouvait faire quelque chose pour eux avec les moyens que nous avions. Nous avons donc étudié les plantes et avons commencé à soigner les enfants à base des plantes.
Par la suite, je me suis rendu compte que les gens faisaient davantage confiance aux prêtres qu’aux guérisseurs; ce qui me poussait à aller plus loin pour offrir les soins nécessaires à ces gens-là qui venaient se présenter à moi. Depuis lors, je me suis dit que puisque cela aide les gens, et que j’ai la possibilité de constituer une bibliothèque sur les plantes, il fallait continuer.
On dit que c’est un don, mais moi je pense qu’il faut tout simplement s’intéresser à la chose. Guérir une personne, c’est aussi être au service du Christ.
Pour la postérité, que faites-vous pour pérenniser ce ministère dans votre diocèse ?
Je suis toujours prêt à donner des sessions partout où on m’invite. J’évite de me comporter comme nos guérisseurs qui gardent jalousement leurs recettes. Ici à Batouri mes recettes à base de plantes se trouvent dans notre dispensaire privé.
Il n’y a rien à cacher. Nous avons reçu du Ministère de la Santé Publique l’autorisation d’ouvrir une herboristerie ici. Tout le monde peut ainsi venir se faire soigner chez moi par les plantes avant d’aller faire un contrôle à l’hôpital.
Les plantes sont un bien de l’humanité et mon souci est de mettre ce bien-là à la disposition de tous.
Croyez-vous que les plantes peuvent être une alternative sérieuse pour le traitement du VIH SIDA ?
Avec les plantes, on pourrait beaucoup faire dans le domaine du VIH. Pour le moment, je n’ai pas encore appris ici au Cameroun qu’un guérisseur donnait des traitements efficaces contre le VIH, moi-même j’ai des traitements que je propose aux malades pour les aider à se rétablir, mais ces molécules ne détruisent pas encore le virus.
Peut-être que plus tard en poussant encore un peu l’étude, si nos scientifiques se mettaient à l’école des guérisseurs, je pense qu’on arriverait un jour à mettre sur pied des traitements efficaces contre cette terrible maladie. Avec toute la connaissance des Pygmées Baka, je pense qu’en creusant un peu leur science, on pourrait arriver à quelque chose.
L’an dernier, le diocèse de Batouri a fêté son dixième anniversaire. Comment pourriez-vous évaluer le chemin parcouru aujourd’hui ?
Après 10 ans, on observe que du chemin a été fait. Parmi les motifs de satisfaction, on peut noter que des communautés ont été mises sur pied, nous avons actuellement de jeunes prêtres nouvellement ordonnés et originaires d’ici. Nous ne pouvons qu’en être contents.
Notre option ici c’est que les prêtres soient des témoins, voilà pourquoi dans le diocèse de Batouri, nous avons choisi que les prêtres vivent en communauté. D’un autre côté, nous formons nos fidèles à la vie matérielle de notre diocèse.
Nous avons pris deux ans de réflexion sur ce thème-là pour que les fidèles soient les acteurs de ce grand champ d’évangélisation.
Avez-vous des prêtres aux études ?
En ce moment j’ai un prêtre à Rome. Nous attendons tous ces jeunes prêtres qui viennent, quand ils auront fait une petite expérience pastorale, je pourrais alors les envoyer en formation. Pour moi, le prêtre est avant tout un pasteur. Quand on l’envoie aux études, c’est pour un besoin précis.
Quels sont vos projets immédiats pour le diocèse ?
Nous ne sommes qu’à la première année du Synode que nous sommes en train de célébrer et qui doit s’étendre sur trois ans. Il s’agira donc dans l’avenir d’assurer sur les deux années qui restent. Ensuite, étant donné que nous avons de jeunes prêtres nouvellement ordonnés, nous allons créer de nouvelles paroisses en plus des huit existantes.
Interview menée par Mathieu Meyeme à Batouri

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