dimanche 3 mars 2013

MGR EUGENIUS JURETSZKO: «Les Pygmées occupent une bonne place dans le diocèse de Yokadouma »



Juretsko
L'évêque fondateur du diocèse de Yokadouma présente les actes qu'il pose pour le développement des Pygmées Baka depuis 14 ans.

Pouvez-vous nous présenter le diocèse de Yokadouma en quelques mots?
Le diocèse de Yaokadouma est situé à l'Est du Cameroun. Sa superficie est de plus de 40 000 Km². C'est un diocèse qui est riverain du Congo Brazzaville et de la République Centrafricaine, c'est d'ailleurs pour cela que nous avons souvent ici beaucoup de réfugiés. Récemment encore, nous en avons reçu qui fuyaient la guerre au Congo.
Mais il est important de noter qu'ici même chez nous et grâce à Dieu, nous avons la paix. C'est un don précieux pour le Cameroun qui mérite d'être préservé. La population du diocèse dépasse les 100 000 habitants pour une proportion de 30 000 Catholiques. Je trouve que ce n'est pas déjà mal. Lorsque je prenais la tête de ce diocèse en 1991, il n'y avait que trois paroisses, aujourd'hui il y en a 10. Prochainement nous comptons ouvrir une onzième paroisse.

Quelles sont les orientations principales de votre plan pastoral ici?
Mathieu Meyeme et Mgr EUGENIUS JURETSZKO
C'est comme dans tous les diocèses, la pastorale de la famille. Mais aussi la pastorale des vocations, parce que l'avenir de l'Eglise ici ce sont les prêtres autochtones. Le 2 février dernier nous avons ordonné deux prêtres. Ils ont promis publiquement d'être de bons prêtres, aujourd'hui nous attendons qu'ils concrétisent ces promesses par leur dévouement et leur générosité.

En ce qui concerne les vocations spécifiques pour certaines fonctions, avez-vous des prêtres aux études?
Oui. Il y en a un qui termine le Droit Canon à Yaoundé. Depuis que je suis là sept prêtres ont déjà été ordonnés. J'espère envoyer un autre prêtre cette année aux études. Je mets également l'accent sur la formation des catéchistes, car c'est une priorité dans l'effort d'évangélisation surtout dans les Eglises rurales. Ici la formation est trimestrielle. Chaque année nous mettons l'accent sur un thème. Cette année par exemple, c'est l'Eucharistie. La commission pastorale a commis un document sur ce thème à l'intention des catéchistes.

Existe-t-il une pastorale de développement dans votre diocèse?
Il y a un mouvement de jeunes agriculteurs ici. Dans chaque paroisse, nous motivons les jeunes cultivateurs à travers des sessions de formation pour qu'ils puissent améliorer leurs cultures. Dans ce souci de développement, nous n'oublions pas l'enseignement sur lequel nous mettons un accent particulier.
Nous avons créé des centres pré-scolaires à l'effet de scolariser et de permettre une meilleure intégration sociale des populations les plus marginalisées à l'instar des enfants pygmées Baka. Au plan de la santé, nous avons créé de nombreux dispensaires. Avant, les femmes accouchaient péniblement, beaucoup mouraient du fait du mauvais état de la route au cours de leur évacuation. Aujourd'hui nous avons un grand centre de santé à Salapoumbé tenu par une coopérante française.

D'une manière générale, quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans ce diocèse?
L'engagement des chrétiens ici n'est pas franc. Il y a un véritable problème d'instabilité des chrétiens chargés de former les autres chrétiens, les catéchistes par exemple. Ce qui ne permet pas d'asseoir une bonne catéchèse.Au plan matériel, nous nous débrouillons avec les moyens que nous avons. Mon mot d'ordre ici c'est avancer lentement mais sûrement. J'ai une satisfaction cependant, c'est que de plus en plus, la population s'engage. Auparavant pour construire une chapelle, c'était un casse tête. Aujourd'hui, les chrétiens font le gros du travail, moi je ne m'occupe que du toit. Quelquefois aussi, les sociétés forestières nous aident pour le bois. Depuis 5 ans plusieurs chapelles ont été construites grâce à la contribution des fidèles. Je trouve cela formidable.

N'avez-vous pas des problèmes avec les adeptes de la religion traditionnelle et les sorciers?
Il faut être réaliste. Maintenant nous entrons dans la deuxième génération de chrétiens. Il y a toujours un peu de tradition, on peut le comprendre. Par exemple il y a beaucoup de sorcellerie ici, car les gens de la forêt y croient beaucoup. Il y a même des sectes, cela nous interpelle. La première chose que je demande aux fidèles pour combattre la sorcellerie c'est d'avoir une vie profonde de prière et y croire. Je leur demande de prier tous les jours.

Quelle est la place des Baka (pygmées) dans votre diocèse?
Les Baka occupent une bonne place chez nous. Ils sont pour la plupart concentrés à Salapoumbé, où j'ai expressément installé trois communautés missionnaires. Vous savez que les Baka sont assez nomades, c'est un paramètre à prendre en compte pour les évangéliser.
Avant, les pygmées bénéficiaient beaucoup de l'aide extérieure, mais depuis quelques temps nous sommes en train de mettre sur pied des projets pour les prendre en charge localement. Beaucoup de Baka sont déjà dans les établissements secondaires, mais il faut encore attendre un peu avant d'avoir un prêtre pygmée.

Votre diocèse est situé dans la commune la plus riche du Cameroun. Au niveau diocésain, ressentez-vous cette opulence ?
Depuis 5-6 ans la participation des populations est réelle comme je le disais plus haut. Mais il faut reconnaître que ce sont surtout les pauvres qui participent. J'étais à Moloundou dernièrement et les Baka ont construit eux-mêmes leur chapelle avec leurs propres moyens, ils m'ont juste demandé du terrain.Vous parlez de la commune la plus riche. Vous étiez en ville tout à l'heure, à partir de ce que vous y avez vu, vous pouvez vous-même déduire. Les routes sont inexistantes sans parler des autres infrastructures. L'élite est loin d'être généreuse envers l'Eglise.

En 14 ans de pastorale dans ce diocèse, qu'est-ce qui fait votre fierté?
D'abord le progrès de l'Eglise dans cette région par rapport à son état lorsque j'arrivais il y a 14 ans. Des paroisses sont créées régulièrement. Ensuite le nombre de prêtres autochtones est en augmentation constante. Les catéchistes aussi sont de plus en plus nombreux. Il y a plus de familles vraiment chrétiennes, les Baka par exemple prennent le mariage très au sérieux depuis qu'ils ont découvert l’Évangile. Il y a 5 ans j'ai béni l'union de 10 couples Baka et je suis heureux qu'à ce jour ces couples vivent paisiblement leur foi et leur vocation.

Quels sont vos projets pour ce diocèse?
Au plan spirituel, il s'agit d'augmenter le nombre de prêtres. Intensifier la pastorale des familles et celle des jeunes. Parce que l'avenir de notre jeunesse est assez compromis. Il s'agit donc de leur donner un espoir pour leur avenir.

Entretien mené en 2005 à Yokadouma par Mathieu Meyeme

Aucun commentaire: