PROFESSEUR
MARIE-THERESE ABENA ONDOUA
« Les veuves
subissent une grande perte, mais doivent continuer à prendre soin des
enfants »
Le Ministre de la Promotion de la Femme et de la Famille dresse le
bilan de la célébration de la troisième édition de la Journée Internationale
des Veuves qui a été célébrée le 23 juin 2013
Le 21 décembre 2010, l’Assemblée
Générale des Nations Unies a institué la journée internationale des veuves dont
la célébration est fixée au 23 juin de chaque année. Rendue à sa troisième édition, quel bilan et quels
enseignements pouvez-vous en faire ?
Depuis 2011, notre pays se
joint effectivement à la Communauté internationale, le 23 juin chaque année,
pour commémorer la Journée Internationale des Veuves. Les thèmes des deux
premières éditions étaient respectivement : « Etat des lieux de la
situation des Veuves au Cameroun », et « Droit des Veuves ».
L’édition 2013 était quant à
elle, placée sous le thème « Agir ensemble pour mettre un terme aux
pratiques et coutumes discriminatoires à l’égard des veuves».
La première édition de cette
journée, a été l’occasion pour notre département ministériel d’organiser un
symposium sur l’état des lieux de la situation des veuves au Cameroun. Cette
rencontre qui a donné lieu à plusieurs témoignages a révélé que, quelques
soient les catégories sociales et le milieu de résidence, les veuves
rencontrent toutes ou presque, les problèmes de même nature : celle de la
violation de leurs droits par les familles et les communautés. Pour celles dont
les conjoints travaillaient dans la Fonction publique ou dans le secteur
parapublic et privé, le chemin qui mène à l’accès aux droits du conjoint
survivant, est jonché de nombreuses embûches.
Cette rencontre a également
permis de mettre en évidence, l’insuffisance de vulgarisation des textes juridiques de
protection des droits des veuves et de leurs enfants ; la complexité des
pièces à verser aux dossiers de pension et de succession ; l’ignorance des
procédures par les veuves, et l’obsolescence de certains textes, etc.
La deuxième édition centrée
sur les droits des veuves, a permis l’élaboration d’un plan d’action pour
l’encadrement ces veuves dont les activités prioritaires portent sur : la
formation, l’information et la communication aux côtés de l’accompagnement psychosocial,
administratif et juridique des veuves.
C’est le lieu pour moi de vous
dire par exemple qu’en ce qui concerne les Services Centraux, nous avons durant
les 12 derniers mois, accompagné 58 veuves dans des cas de paiement des
pensions diverses, de litiges fonciers, de jugement d’hérédité, d’assistance
judiciaire, de bigamie et d’exécution des décisions de justice.
Dans tous ces cas que je viens
de citer, nous avons bénéficié de la collaboration bienveillante des
départements ministériels intéressés et ce parfois, avec l’implication
personnelle des chefs desdits ministères.
Quels sont les objectifs de cette
journée ?
Je dois d’abord préciser que
la Journée Internationale des Veuves a été instituée par la Résolution 65/189
de l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 21 décembre 2010.
Cette Résolution adoptée par
consensus a bénéficié du co-parrainage de 56 pays dont une majorité d’Afrique. La
Journée vise à sensibiliser l’opinion,
afin d’obtenir une meilleure défense des droits des veuves partout dans le
monde. Elle est donc une occasion pour agir en faveur de la réalisation et de
la reconnaissance de tous droits des veuves longtemps restés invisibles,
négligés et ignorés. En outre, elle interpelle les gouvernants pour tenir leurs
engagements visant à garantir les droits des veuves tels que consacrés par le
droit international, et notamment, la Convention sur l’Elimination de toutes
les formes de Discrimination à l’Egard des Femmes (CEDEF), et la Convention
relative aux Droits de l’Enfant.
Quelles ont été les spécificités
de l’édition 2013 ?
La première spécificité porte
déjà sur le thème : « Agir
ensemble pour mettre un terme aux pratiques et coutumes discriminatoires à
l’égard des veuves ». Une thématique qui nous plonge au cœur de notre
socio-culture et qui nous invite à faire une introspection sur la pertinence et
le bien-fondé de certaines pratiques. A cet égard, nous avons commencé à
identifier les pratiques et coutumes qui font problème dans le cadre de
l’élaboration d’une cartographie de celles-ci. Une fois ce travail terminé,
nous pourrons avoir une visibilité et une lisibilité des particularités
socioculturelles afin d’ajuster au mieux nos actions sur le terrain.
Peut-on avoir une idée des
données statistiques des veuves au Cameroun ?
Au Cameroun, les veuves
représentent une frange importante de la population. Selon le troisième
Recensement Général de la Population et de l’Habitat, elles frisent les 8,3% de
la population féminine totale, tandis que 1,5% d’hommes sont frappés par le
veuvage. Selon la même source, ces taux croissent malheureusement avec l’âge. A
titre d’illustration, dans la tranche 50-54 ans, les veuves représentent
21 ,3% de la population et les veufs sont évalués à 3,1%. Entre 55 et 59
ans, 29,5% de la population sont des veuves contre 3,8% de veufs. De 60 à 64
ans, on dénombre 39,5% de veuves et 5,5% de veufs. Dans la tranche 65-69 ans,
on compte 48,2% de veuves contre 7% de veufs.
Quels sont les principaux
problèmes auxquels elles font face ?
Les femmes qui perdent leurs époux
subissent une grande perte, mais doivent continuer à prendre soin des enfants,
gérer leurs emplois et s’accomplir. Mais elles doivent le faire dans
l’adversité, non seulement en raison de leur chagrin, mais aussi des
conventions sociales discriminatoires. C’est ainsi qu’elles sont victimes des
violences de toutes sortes, sans qu’aucune voix collective ne se fasse entendre
en faveur de leurs droits, ou pour appeler à leur protection. Je citerai par
exemple : les expulsions des domiciles conjugaux, les discriminations, les
abus, les exploitations, le lévirat, les rites de veuvage dégradants et
deshumanisants. Très souvent, leurs enfants vivent dans un environnement
hostile, victimes de violences et de maladies,
réduits à la servitude, privés d’éducation et sont des cibles des
trafiquants d’être humains. En outre, j’évoquerai les rites funéraires dans
lesquels sont incorporés les rites de veuvage, ont été institués par nos aïeux
pour garantir l’unité et la cohésion de la famille, ainsi que le bonheur des membres
qui survivent au décès de l’un d’eux. Cependant, cet objectif initial a été
transformé avec l’évolution du temps, rendant ces rites plutôt néfastes au
bien-être des veuves. Dans un tel contexte, l’encadrement des veuves et des
orphelins devient un impératif notamment, en amenant les communautés et les
familles à adopter des comportements favorables à la création d’un
environnement socioculturel propice à l’épanouissement et de leurs enfants.
M. Ban Ki-Moon, Secrétaire
Général de l’ONU, affirme que « Lorsqu’elle perd son mari, la femme ne
devrait pas perdre ses droits. Comment promouvez-vous ces droits dans votre
département ministériel ?
Au Ministère de la Promotion
de la Femme et de la Famille, nous menons des activités de sensibilisation, de
plaidoyer et d’accompagnement. La sensibilisation et l’information concerne
aussi bien les veuves, leurs enfants que les communautés sur les droits des
veuves et de leurs enfants, ainsi que
sur les procédures réglementaires
à suivre dans le cadre des dossiers administratifs. Dans le même sens, nous les
encourageons à se regrouper pour mieux défendre leurs droits et pour vulgariser
ces droits auprès d’un plus grand nombre.
La formation est orientée vers
les personnels du Minproff et des organisations de la Société Civile en vue
d’un encadrement efficace des veuves et de leurs enfants. Le plaidoyer se fait
auprès des chefs traditionnels et des leaders communautaires qui sont des
dépositaires de la tradition en vue d’une humanisation de certaines pratiques
traditionnelles et du respect des droits fondamentaux des veuves. L’accompagnement
des veuves quant à lui est une activité de routine au cours de laquelle les
requérantes bénéficient des services d’écoute, de conseil et de médiation
familiale ainsi que de l’accompagnement juridique, le cas échéant.
Quel
rôle jouent les associations de veuves dans la célébration de cette
journée ?
Je
tiens à rappeler que ces associations fonctionnent sous le régime de la Liberté
des Associations. Le Ministère de la Promotion de la Femme et de la
Famille n’interfère pas et ne s’ingère pas dans leurs activités. Dans notre
rôle d’encadrement de formation et d’accompagnement, nous mobilisons et
travaillons avec ces associations, pour qu’elles servent de relais, de
courroies de transmissions de nos messages et nos enseignements.
Entretien mené par Mathieu Meyeme
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