L'évêque fondateur du
diocèse de Yokadouma présente les actes qu'il pose pour le développement des Pygmées Baka depuis 14 ans.
Pouvez-vous nous présenter le diocèse de Yokadouma en
quelques mots?
Le diocèse de
Yaokadouma est situé à l'Est du Cameroun. Sa superficie est de plus de 40 000
Km². C'est un diocèse qui est riverain du Congo Brazzaville et de la République
Centrafricaine, c'est d'ailleurs pour cela que nous avons souvent ici beaucoup
de réfugiés. Récemment encore, nous en avons reçu qui fuyaient la guerre au
Congo.
Mais il est
important de noter qu'ici même chez nous et grâce à Dieu, nous avons la paix.
C'est un don précieux pour le Cameroun qui mérite d'être préservé. La
population du diocèse dépasse les 100 000 habitants pour une proportion de 30
000 Catholiques. Je trouve que ce n'est pas déjà mal. Lorsque je prenais la
tête de ce diocèse en 1991, il n'y avait que trois paroisses, aujourd'hui il y
en a 10. Prochainement nous comptons ouvrir une onzième paroisse.
Quelles sont les orientations principales de votre
plan pastoral ici?
Mathieu Meyeme et Mgr EUGENIUS JURETSZKO |
C'est comme dans
tous les diocèses, la pastorale de la famille. Mais aussi la pastorale des
vocations, parce que l'avenir de l'Eglise ici ce sont les prêtres autochtones.
Le 2 février dernier nous avons ordonné deux prêtres. Ils ont promis
publiquement d'être de bons prêtres, aujourd'hui nous attendons qu'ils
concrétisent ces promesses par leur dévouement et leur générosité.
En ce qui concerne les vocations spécifiques pour
certaines fonctions, avez-vous des prêtres aux études?
Oui. Il y en a
un qui termine le Droit Canon à Yaoundé. Depuis que je suis là sept prêtres ont
déjà été ordonnés. J'espère envoyer un autre prêtre cette année aux études. Je
mets également l'accent sur la formation des catéchistes, car c'est une priorité
dans l'effort d'évangélisation surtout dans les Eglises rurales. Ici la
formation est trimestrielle. Chaque année nous mettons l'accent sur un thème.
Cette année par exemple, c'est l'Eucharistie. La commission pastorale a commis
un document sur ce thème à l'intention des catéchistes.
Existe-t-il une pastorale de développement dans votre
diocèse?
Il y a un
mouvement de jeunes agriculteurs ici. Dans chaque paroisse, nous motivons les
jeunes cultivateurs à travers des sessions de formation pour qu'ils puissent
améliorer leurs cultures. Dans ce souci de développement, nous n'oublions pas
l'enseignement sur lequel nous mettons un accent particulier.
Nous avons créé
des centres pré-scolaires à l'effet de scolariser et de permettre une meilleure
intégration sociale des populations les plus marginalisées à l'instar des
enfants pygmées Baka. Au plan de la santé, nous avons créé de nombreux
dispensaires. Avant, les femmes accouchaient péniblement, beaucoup mouraient du
fait du mauvais état de la route au cours de leur évacuation. Aujourd'hui nous
avons un grand centre de santé à Salapoumbé tenu par une coopérante française.
D'une manière générale, quelles sont les difficultés
que vous rencontrez dans ce diocèse?
L'engagement des
chrétiens ici n'est pas franc. Il y a un véritable problème d'instabilité des
chrétiens chargés de former les autres chrétiens, les catéchistes par exemple.
Ce qui ne permet pas d'asseoir une bonne catéchèse.Au plan matériel, nous nous
débrouillons avec les moyens que nous avons. Mon mot d'ordre ici c'est avancer
lentement mais sûrement. J'ai une satisfaction cependant, c'est que de plus en
plus, la population s'engage. Auparavant pour construire une chapelle, c'était
un casse tête. Aujourd'hui, les chrétiens font le gros du travail, moi je ne
m'occupe que du toit. Quelquefois aussi, les sociétés forestières nous aident
pour le bois. Depuis 5 ans plusieurs chapelles ont été construites grâce à la
contribution des fidèles. Je trouve cela formidable.
N'avez-vous pas des problèmes avec les adeptes de la
religion traditionnelle et les sorciers?
Il faut être
réaliste. Maintenant nous entrons dans la deuxième génération de chrétiens. Il
y a toujours un peu de tradition, on peut le comprendre. Par exemple il y a
beaucoup de sorcellerie ici, car les gens de la forêt y croient beaucoup. Il y
a même des sectes, cela nous interpelle. La première chose que je demande aux
fidèles pour combattre la sorcellerie c'est d'avoir une vie profonde de prière
et y croire. Je leur demande de prier tous les jours.
Quelle est la place des Baka (pygmées) dans votre
diocèse?
Les Baka
occupent une bonne place chez nous. Ils sont pour la plupart concentrés à
Salapoumbé, où j'ai expressément installé trois communautés missionnaires. Vous
savez que les Baka sont assez nomades, c'est un paramètre à prendre en compte
pour les évangéliser.
Avant, les pygmées bénéficiaient beaucoup de l'aide extérieure, mais depuis quelques temps nous sommes en train de mettre sur pied des projets pour les prendre en charge localement. Beaucoup de Baka sont déjà dans les établissements secondaires, mais il faut encore attendre un peu avant d'avoir un prêtre pygmée.
Avant, les pygmées bénéficiaient beaucoup de l'aide extérieure, mais depuis quelques temps nous sommes en train de mettre sur pied des projets pour les prendre en charge localement. Beaucoup de Baka sont déjà dans les établissements secondaires, mais il faut encore attendre un peu avant d'avoir un prêtre pygmée.
Votre diocèse est situé dans la commune la plus riche
du Cameroun. Au niveau diocésain, ressentez-vous cette opulence ?
Depuis 5-6 ans
la participation des populations est réelle comme je le disais plus haut. Mais
il faut reconnaître que ce sont surtout les pauvres qui participent. J'étais à
Moloundou dernièrement et les Baka ont construit eux-mêmes leur chapelle avec
leurs propres moyens, ils m'ont juste demandé du terrain.Vous parlez de la
commune la plus riche. Vous étiez en ville tout à l'heure, à partir de ce que
vous y avez vu, vous pouvez vous-même déduire. Les routes sont inexistantes
sans parler des autres infrastructures. L'élite est loin d'être généreuse
envers l'Eglise.
En 14 ans de pastorale dans ce diocèse, qu'est-ce qui
fait votre fierté?
D'abord le
progrès de l'Eglise dans cette région par rapport à son état lorsque j'arrivais
il y a 14 ans. Des paroisses sont créées régulièrement. Ensuite le nombre de
prêtres autochtones est en augmentation constante. Les catéchistes aussi sont
de plus en plus nombreux. Il y a plus de familles vraiment chrétiennes, les
Baka par exemple prennent le mariage très au sérieux depuis qu'ils ont
découvert l’Évangile. Il y a 5 ans j'ai béni l'union de 10 couples Baka et je
suis heureux qu'à ce jour ces couples vivent paisiblement leur foi et leur
vocation.
Quels sont vos projets pour ce diocèse?
Au plan
spirituel, il s'agit d'augmenter le nombre de prêtres. Intensifier la pastorale
des familles et celle des jeunes. Parce que l'avenir de notre jeunesse est
assez compromis. Il s'agit donc de leur donner un espoir pour leur avenir.
Entretien mené
en 2005 à Yokadouma par Mathieu Meyeme
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